L’ESG : quel impact dans la valorisation des entreprises et dans les actions des administrateurs indépendants ?
APIA Auvergne avait organisé avec la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, une soirée afin d’échanger sur l’impact qu’a ou que peut avoir l’ESG sur la valorisation de l’entreprise.
Le sigle « ESG » (Environnemental, Social et Gouvernance) résonne souvent comme un jargon complexe ou une nouvelle contrainte réglementaire pour les chefs d’entreprise. Pourtant, l’échange entre les intervenants représentant la banque, la gestion de fonds ou les administrateurs indépendants démontrent que l’ESG est en réalité un levier stratégique majeur, un facteur désormais déterminant pour la valorisation et la pérennité de toute entreprise.
1. ESG, RSE, Développement Durable : trois termes à ne pas confondre
Bertrand Bonhomme d’APIA souligne que la confusion entre ces termes est fréquente et rappelle la distinction entre les trois termes :
• ESG : Il s’agit d’une vision externe. Ce sont les critères utilisés par les investisseurs, les fonds et les analystes pour évaluer objectivement la performance et les risques d’une entreprise sur les plans environnemental, social et de gouvernance.
• RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) : C’est une vision interne. Elle représente l’engagement volontaire et la démarche proactive de l’entreprise elle-même pour adresser son impact sur ses parties prenantes (employés, clients, fournisseurs, etc.).
• Développement Durable : C’est un concept beaucoup plus large, un positionnement sociétal global. Il interroge la manière dont nous consommons les ressources aujourd’hui pour ne pas compromettre les besoins des générations futures, et s’adresse davantage aux États et à la société dans son ensemble.
2. Le véritable moteur de l’ESG n’est pas l’idéologie, mais la finance
Comme l’a souligné Gilles Coudon, directeur chez Aviso Partners, la montée en puissance des critères ESG n’est pas principalement due à une vague d’idéalisme, mais à une exigence pragmatique du monde financier. Les apporteurs de capitaux des fonds d’investissement – comme les compagnies d’assurance ou les caisses de retraite – n’attendent plus seulement une performance financière pure. Ils exigent désormais une « croissance durable » et une gestion des risques à long terme.
Ce changement est si profond qu’un fonds d’investissement qui ignorerait les critères ESG dans sa stratégie aurait aujourd’hui d’énormes difficultés à lever des capitaux, il est devenu « impossible » pour un fonds de trouver de l’argent auprès des souscripteurs sans prendre en compte ces critères de manière rigoureuse.
3. Ignorer l’ESG, ce n’est pas un choix, c’est un risque direct pour votre valorisation
Pour un dirigeant qui envisage la transmission ou la vente de son entreprise, l’impact de l’ESG est direct et concret. Ignorer ces sujets mène à ce que Pierre-Antoine Ruyssen, Directeur chez Aviso Partners, appelle un « assèchement de la liquidité » : le nombre d’acheteurs potentiels, notamment les fonds d’investissement, diminue drastiquement.
Les conséquences sont inévitables : soit l’entreprise subit une décote significative sur sa valorisation, soit elle ne trouve tout simplement aucun acheteur. La preuve de cette nouvelle réalité est l’émergence des due diligences ESG (ou VDD ESG) qui sont de plus en plus conduites en tout début de processus de cession, au même titre que les audits financiers.
4. Arrêtez de penser « ESG », commencez par « GES »
Plusieurs intervenants ont proposé de renverser l’acronyme GES au lieu de ESG car la Gouvernance est le point fondateur d’une politique Environnementale et Sociale. C’est elle qui structure la vision, la prise de décision et garantit la mise en œuvre. Il est impossible de mettre en place une politique Environnementale et Sociale crédible et pérenne sans une « gouvernance robuste qui y croit ».
Parmi les critères de gouvernance jugés « incontournables », on retrouve :
- La structure et l’indépendance du conseil d’administration.
- La transparence financière.
- La gestion de l’éthique et des risques.
Les participants de la table ronde soulignent que l’importance accordée à l’Environnement ou au Social va dépendre du type d’activité (Industrie ou Service), du type d’investisseurs et du contexte géographique ou réglementaire.
Les critères considérés comme les plus courants sont pour l’environnement ( l’empreinte carbone (scopes 1, 2, 3), la gestion de l’énergie et des ressources (eau, matières premières), la gestion des déchets / recyclage, la politique de transition énergétique et le traitement des risques climatiques (adaptation, résilience) et pour le Social (les conditions de travail et sécurité, l’attractivité et fidélisation des talents, la formation et développement des compétences, l’égalité et la diversité, le dialogue social / relations avec les parties prenantes et l’impact localet chaîne d’approvisionnement responsable
5. La bonne nouvelle concernant l’ESG ? Elle est déjà appliquée par de nombreuses entreprises sans qu’elles en aient pleinement conscience
Un conseil pragmatique et rassurant a été adressé à de nombreux dirigeants de PME par Bruno Allimonier, Directeur de la branche entreprise du Puy de Dôme de BP AURA :
« Vous appliquez très probablement déjà des principes ESG sans les avoir étiquetés comme tels. La gestion rigoureuse des ressources humaines, l’attention portée à la sécurité, la fidélité des fournisseurs ou l’ancrage territorial sont autant d’actions qui relèvent de l’ESG ».
L’enjeu principal n’est donc pas de tout réinventer à partir de zéro, mais bien de construire sur l’existant après l’avoir formaliser. Il s’agit donc dans un temps « un », de structurer ce qui est déjà fait, d’identifier les points d’amélioration concrets et, surtout, de savoir le communiquer efficacement aux parties prenantes (banquiers, investisseurs, clients) et dans un temps « deux » de définir les axes d’amélioration.
6 – La mauvaise nouvelle est qu’il y a encore des freins chez les dirigeants à aller plus loin
Les intervenants s’accordent sur différents types de freins :
- Le manque d’appropriation stratégique de la part du dirigeant, ce qui se traduit par une absence d’objectifs ou des objectifs flous. Beaucoup d’entreprises voient encore l’ESG comme une contrainte réglementaire ou de communication, pas comme un levier de performance durable.
- L’absence de gouvernance dédiée – sans portage fort par la direction. L’ESG reste parfois « cantonnée » au service des Ressources Humaines ou à la Communication, sans réel soutien du top management ou du conseil d’administration.
- La complexité de la collecte et du reporting de données (La récolte des Données ESG est perçue comme un casse-tête technique)
- Le manque de compétences internes compte tenuque le pilotage de l’ESG exige des compétences pluridisciplinaires : environnement, droit, finance, stratégie, RH…et que peu d’entreprises — surtout les PME/ETI — ont des équipes formées à ces sujets ou les moyens financiers.
- La difficulté à prouver la rentabilité de l’ESG (L’ESG peut être perçue comme un coût plutôt qu’un investissement). Beaucoup de dirigeants demandent encore : “Quel est le ROI concret de l’ESG ?” et les bénéfices (réputation, attractivité RH, réduction des risques) sont souvent indirects et de long terme, alors que la pression financière est immédiate.
- La culture d’entreprise et résistance au changement. L’ESG bouscule les habitudes : transparence, redevabilité, indicateurs non financiers…et demande des efforts pour être implantée
7 – Conclusion : L’ESG, un levier à activer
Tous les intervenants sont d’accords pour dire que l’ESG ne doit plus être considérée comme une simple contrainte administrative ou réglementaire mais comme un prisme stratégique incontournable qui impacte directement la valeur et la pérennité de l’entreprise.
Pour structurer cette démarche et passer de l’informel au formel, pour aider le dirigeant de l’entreprise, le rôle de l’administrateur indépendant apparaît comme un catalyseur clé, apportant le recul et le regard extérieur indispensables. C’est lui qui peut questionner, challenger et aider à construire une gouvernance robuste, véritable fondation de toute stratégie ESG réussie. Bertrand Bonhomme d’APIA rappelle qu’un mémento de synthèse sur l’ESG et les 35 questions que tout administrateur APIA doit poser lors des conseils sont à disposition.
Article rédigé à partir des interventions de
- Bruno Allimonier (Directeur de la branche Entreprise Puy de Dôme de la Banque Populaire Auvergne,
- Philippe Bey, Directeur régional entreprise et Banque Privée de BP AURA (animateur)
- Gilles Coudon (Directeur associé chez Aviso Partners),
- Pierre-Antoine Ruyssen (Directeur de Participations chez Garibaldi)
- Bertrand Bonhomme (APIA Auvergne – membre du groupe de travail ESG)
- Laurent Etellin – président APIA Auvergne
