Vous, dirigeant face à la cession de votre entreprise. Quel rôle pour la gouvernance ?
APIA région EST - mars 2023
Partons d’une situation que nombre de dirigeants patrimoniaux ne vivront qu’une fois dans leur vie d’entrepreneur : ils vont, vous allez céder ou transmettre votre entreprise. Quel rôle peut jouer la gouvernance d’entreprise pour anticiper, préparer, et finalement mieux réussir cette étape cruciale ?
Commençons par un double constat très banal :
- Il s’agit d’une part d’une opération que vous n’avez pas l’habitude de réaliser et pour laquelle vous n’êtes donc potentiellement pas très bien préparé.
- Et par ailleurs, la part d’émotionnel est importante, parce qu’elle signifie une rupture dans votre vie professionnelle, souvent d’une étape importante dans une vie humaine, et qu’enfin vous allez céder une part de vous-même.
Il ne s’agit donc en aucune manière d’une banale opération de gestion. Dans la suite du propos, nous allons souligner les trois aspects qui selon nous sont essentiels à la réussite d’une opération de cession, et mettre en évidence comment une gouvernance d’entreprise bien établie et solide peut vous accompagner dans cette démarche.
Pérennité de l’entreprise
Certes votre objectif est de céder. Mais nous gagerons que l’avenir de votre entreprise ne vous est pas indifférent, bien sûr parce qu’il s’agit d’une part de vous-même, parce qu’elle porte parfois votre nom, et parce qu’elle est peuplée d’individus dont le sort vous concerne, et dont les salaires qu’ils tirent de leur travail constituent la part écrasante des revenus. Nul besoin de développer ici ces aspects de responsabilité sociétale. Notons en revanche que si en cédant vous pensez avant tout à valoriser une évolution passée, votre acquéreur va de son côté songer aux profits qu’il tirera des évolutions à venir de l’entreprise, donc de sa pérennité.
La pérennité de l’entreprise est ainsi un facteur qui pèse fortement dans les chances de transmission et dans la valorisation d’une société. Ce souci de pérennité rejoint d’ailleurs parfaitement le credo de APIA Administrateurs professionnels Indépendants Associés en termes de gouvernance : nos actions sont essentiellement gouvernées par la préoccupation de pérennité de l’entreprise.
Un acquéreur sera particulièrement sensible à cet aspect de gouvernance, peut-être d’abord en réponse à la question qu’il ne manquera pas de se poser « le dirigeant est-il homme-clé dans son entreprise ? ». L’existence d’un homme tenu pour clé est en général un facteur d’abattement de la valeur de l’entreprise. A contrario, une gouvernance solide, et notamment avec la présence d’administrateurs indépendants dans le conseil d’administration, est de nature à rassurer : elle garantit une certaine continuité en cas de départ du dirigeant, mais surtout, elle est le signe d’une approche plus participative de la gestion, l’indice de l’existence de données de suivi formalisées, d’une gestion prospective du temps rythmée par les conseils, et élimine en général l’hypothèse du dirigeant autocrate sans lequel l’entreprise s’effondrerait.
A ce titre, la présence d’administrateurs indépendants sera perçue comme un facteur positif de valorisation de l’entreprise.
Anticiper la cession
C’est un lieu commun (et néanmoins souvent négligé) de dire qu’une cession se prépare. Et pas seulement en termes strictement opérationnels de nettoyage des stocks, des comptes clients et de rafraichissement du hall d’accueil… Vous pouvez agir ici plusieurs années à l’avance selon trois axes, et votre conseil d’administration peut vous aider à formaliser et à mettre en œuvre les démarches indispensables :
Réfléchir à l’avenir stratégique de votre entreprise. Le positionnement stratégique de votre entreprise est-il pertinent pour les 10 ou 15 prochaines années ? Faut-il ajouter, retrancher un domaine d’activité ? Envisager une filialisation de certains domaines et une « vente par appartements » ? La taille de votre entreprise demeure-t-elle pertinente dans un monde qui se concentre ? Ou faut-il envisager une croissance externe avant cession ? La production répond-elle aux nouveaux impératifs de sobriété énergétique, de sécurité des approvisionnements et d’accès aux composants, de dimension écoresponsable des produits, des emballages, etc. ? Autant de questions qui influent fortement sur l’attractivité de votre entreprise et sur vos chances de cession, mais qui ne s’improvisent pas, et demandent une forte anticipation.
Envisager une typologie de repreneur. Il est des entreprises sans repreneur car elles n’ont pas anticipé le profil idéal du repreneur et n’ont rien fait pour se rapprocher de ses attentes. Est-ce un groupe national qui renforcera son implantation régionale ? Un concurrent étranger ? Une personne physique ? Sans exagérer, je dirais que vous devez avoir identifié le profil (voire le nom !) du repreneur de votre entreprise quelques années à l’avance, et que vous pouvez avoir structuré les grands axes stratégiques de votre entreprise. Par exemple en lançant un nouveau domaine d’activité, en nouant un partenariat au préalable, en développant une activité export, en ayant recruté le profil du futur directeur de la business unit, etc. L’administrateur indépendant que vous choisirez pour accompagner votre entreprise dans la démarche, le sera pour sa connaissance du secteur, son entregent et … l’épaisseur de son carnet d’adresse.
Enfin, en fonction du profil de l’acquéreur à qui vous comptez céder, vous pouvez soit anticiper des investissements qui pèseront sur l’endettement et réduiront la valeur de cession (machines, R&D, mais aussi fonctions humaines), par exemple en cas de transmission familiale, ou au contraire alléger l’entreprise d’activités moins rentables pour « parer la mariée ». Vous pouvez aussi rendre l’entreprise plus transparente et plus efficace par la mise en place de reportings de gestion, par la formation de collaborateurs et la délégation de responsabilités…
De tout ceci, il ressort que le conseil d’administration et les administrateurs indépendants, agissant dans le « temps long » et sur des aspects non directement opérationnels, sont le lieu idéal de suggestion, de formalisation et de suivi dynamique de ces actions qui vont s’échelonner sur 3 ou 5 ans.
S’entourer
On a vu précédemment combien la plupart de ces actions ne font pas partie des tâches usuelles du chef d’entreprise. Structurer la gouvernance pour accompagner l’entreprise dans cette démarche apparaît ici quasiment naturel.
Nous considérons chez APIA que cet accompagnement doit revêtir trois formes :
- Il s’étend sur le temps long, a minima 3 à 5 ans, ce qui correspond grosso modo à la durée d’un mandat d’administrateur.
- Il prend en compte l’intérêt général de l’entreprise, et exige à ce titre la faculté de pouvoir agréger et dépasser des compétences ponctuelles. Il ne s’agit donc pas d’un conseil « technique » de nature par exemple comptable, juridique, environnementale etc. qui ne considère généralement qu’un des aspects de la cession, mais en appréhendant les conséquences globales sur la création de valeur. Les administrateurs indépendants sont vos interlocuteurs directs qui vous parlent en conseil d’égal à égal, sans empiéter sur vos fonctions opérationnelles et de direction d’entreprise.
- Et enfin, il dépasse le strict aspect de la cession, qui n’est que l’étape ultime d’une « mise sous tension » de l’entreprise dans l’optique de la cession. Il abordera en revanche des aspects qui pourront être de production, marketing, logistique, commerciaux, de ressources humaines ou de recherche et développement.
Originalité de l’accompagnement par un conseil d’administration : hormis le fait que le conseil d’administration est un des rares organes de gouvernance à pouvoir satisfaire aux aspects précités, l’originalité tient avant tout à la posture de l’administrateur : il crée par son questionnement bienveillant, son positionnement d’alter ego, et sa non-intervention dans la direction opérationnelle de l’entreprise, l’éclairage pour que le chef d’entreprise prenne lui-même les décisions et les mesures qui vont préparer la cession. Ainsi, vous n’êtes en aucune manière dépossédé du processus de cession, vous pourrez certainement en surmonter plus aisément les aspects émotionnels, vous saurez coordonner avec bonheur les différents conseils techniques, et vous vous positionnerez comme l’interlocuteur naturel des repreneurs.
L’administrateur indépendant vous apporte aussi, de manière extrêmement réactive et souvent aussi en dehors du cadre formel d’une réunion, des avis extérieurs documentés et dépassionnés sur les rebondissements inévitables d’une négociation de cession, y compris dans la phase finale du « closing », à un moment où les avis techniques s’opposent parfois de manière apparemment irréconciliable.
Le conseil d’administration avec en son sein des administrateurs indépendants judicieusement choisis sont ainsi en mesure de vous accompagner dès la phase amont du projet de cession, tout au long du processus, et y compris dans sa phase finale.
Conclusion
Ce rapide tour d’horizon met en lumière l’action positive d’un conseil d’administration dynamique et la contribution de l’administrateur indépendant à un moment où, s’il n’est pas déjà présent, on aurait presque tendance à se dire « à quoi bon ? Je vais céder mon entreprise ». Or, c’est précisément à ce moment que son action peut se révéler irremplaçable, à la fois pour assurer la pérennité de l’entreprise, soulager le dirigeant, et lui assurer une valorisation optimale de ses actifs.